Lettre de Gilbert pour Sandra
Le 29 décembre 2012
Lettre d'amour
Ma chère Sandra
Je t’écris cette lettre pour exorciser le mal qui me ronge depuis que je sais. . . Et pour te dire, avant tout, que je t’aime toujours, sinon plus, aujourd’hui, malgré ce qui nous arrive. La révélation m’a été pénible, la douleur intense. Il m’est encore impossible, en cet instant, de savoir si je m’en remettrai. N’empêche, je suis convaincu que j’y arriverai, avec ton aide. Que Dieu m’entende.
Sandra, cet incident m’a enlevé le goût de vivre. Je vis, cependant. Nous passions, au chalet, pourtant de merveilleux moments ensemble. Je comprends néanmoins, que tu ne puisses pas endurer plus longtemps mes phases aiguës d’anxiété occasionnées par cette malheureuse histoire, et une mauvaise grippe. Je t’ai demandé de me patienter pendant trois mois encore, pour me laisser le temps de m'en remettre et, peut-être, de regagner ton amour, et ton pardon. Mais surtout, pour ne pas sombrer dans la folie.
Je suis persuadé que j’y arriverai grâce à ces moments de bonheur que tu me procures en acceptant de m'écouter ou de m'accorder le temps que tu me consacres, moments qui sont des îlots de paix pour moi. Mais il y a aussi ces terribles passages de doutes qui me terrassent, comme à l’instant où je t’écris. J’ai peur.
Je t’écris donc au cas où je perdrais le contrôle, comme ça une chose importante n’aura pas été négligée. J’en réserve une copie pour ma mère -au cas où je ne tienne plus le coup-, l’autre tu es en train de la lire. Ne vois dans ce message qu’une mesure radicale de précaution, rien de vraiment alarmant pour l'instant, car comme je te le précise, de semaine en semaine, le mal devient moins intense. Il faut lire aussi à travers ces lignes l’amour pour lequel je mettrai tout en œuvre afin qu’il perdure si tu me pardonnes et reviens à moi. Tu le mérites plus que moi. Mais tu sais, à quel point je suis faible. Tu es tombé dans les bras de mon meilleur ami, en échangeant un baiser brûlant de passion, mais je sais que tu n'as pas fait cela par amour pour lui. Tu m’as trompé par faiblesse. Par frustration. Et à cause d’un amour que je n'attisais plus par mes désirs passionnés comme tu en aurais eu besoin. Inconscient que j’étais mais toujours si amoureux. Consolation amère!
Tu as cédé un court instant à une illusion de bonheur et tu en as perçu le danger trop tard; les conséquences ont été désastreuses. Mais le fait que tu sois venue confesser cette fornication tout de suite après est le signe indubitable que tu m’aimes, que tu m’as beaucoup aimé. Voilà ce qui nous sauve, comment oublier ces moments merveilleux que nous avons passés ensembles.
Non, ce n’est pas une consolation amère! Cet incident est une opportunité pour nous retrouver et repartir de plus belle. Nous en sommes capables. Nous l’avons vu ces derniers jours alors que nous pleurions dans les bras l'un de l'autre, chacun laminé par sa douleur. Mais il nous faut aller au-delà de ces contingences.
Ce type, Michel, était mon meilleur ami. Tu me parlais d'amitié de façon si sincère que j'ai loué votre relation. Je l’ai encouragée, en outre, alors que tu t’en étonnais. Je me souviens très bien.
Aveuglé par l'idéal d’une amitié sincère et au-delà des vices entre hommes et femmes, au fur et à mesure que vous vous rapprochiez, que vous deveniez de vrais amis, j’annihilais mes doutes dans une exubérance enivrante, je me débarrassais des vieux tics qu'engendrent la jalousie et le caractère possessif des machos toujours incapables de laisser leurs compagnes libres d'agir à leur guise et d'avoir leurs propres amis, mâles entre autres, avec lesquels elles se délasseraient en allant ensemble au cinéma, au café, ou en se promenant sur les bords fleuris de la rivière. Ne peut-on être amis sans concupiscence ou en ignorant celle-ci, jusqu’à ce qu’elle se dissipe par la sincérité d’une relation platonique ?
Ainsi j’avais espoir de me libérer d’une bonne partie du dilemme existentiel concernant le mal objectif qui serait en fait dû aux mauvais choix ou à mon égoïsme exacerbé de mâle. Je t’avoue cela aussi pour la première fois : -en t’encourageant à sortir avec
lui, j’espérais abattre plus de travail dans mes compositions, une passion qui m’a poussé à négliger le bonheur que j’éprouve en ta compagnie. Aujourd’hui, Sandra, mon amour, je laisserai tout au monde pour que nous soyons unis à nouveau. Et je sais que c’est également ce que tu désires. Tu vois, je suis tombé de haut. Larbi à raison, le monde est un enfer si nous ne sommes pas favorisés par le destin. Finalement, l'amitié, j'en suis plus que convaincu, maintenant que ce drame nous a secoués si brutalement, est un lien fragile entre un homme et une femme qui ont, de surcroît, des atomes crochus et sont beaux. Comme toi et ce conard!
Et je t'assure, j'en parlais ici avec les copains, personne parmi eux n'est assez
naïf pour nécessiter une confirmation du Coran pour savoir si c'est bon ou
pas que l’on revienne ensemble. Tu me diras que c’est facile de prendre position maintenant que les jeux sont faits et qu’on n’est pas directement concerné. Mais ne te réfugie pas dans la religion, dans ces institutions dogmatiques qui dépouillent l’être de sa diversité et de sa liberté; c’est une fuite qui te desséchera. J’ai essayé de joindre Saïd Ben Couscous en Algérie, mais il est trop occupé. Tente à ton tour de le rejoindre et si c’est possible de le rencontrer. Tu verras, personne ne te parlera mieux que lui de Dieu. Tu te rappelles la soirée que l’on a passée ensemble, à quel point il nous a émus en parlant de l’amour spirituel, c’était divin. Nos parents nous ont causé assez de mal avec leurs croyances religieuses pour que l’on ne pense pas par nous-mêmes. Tu étais fascinés par Michel (et moi aussi, je le reconnais) par ses belles idées du New-âge, mais la réalité est bien simple pour quiconque garde la tête froide : yogi ou pas, place le beurre à côté du feu, il fond!
Ce qui est étonnant, c’est que tu ne sembles pas mieux connaître mon caractère. Inquiétant. Tu me l’as dit : tu n’aimes pas Michel Je sais que tu ne peux pas l’aimer. Ce fût par confusion, comme tu me l'as expliqué toi-même. Cet être ignoble qui a fait fi de notre amitié pour te séduire! Ou bien serait-ce le contraire? Toi, qui l'aurais séduit? Mon cœur saigne, Sandra. Comment ne vois-tu pas la crapule qui est en lui? La semaine dernière, encore, tu trouvais normal de garder le tableau qu'il nous a offert en cadeau, lui, qui t’a priée de me quitter pour aller le rejoindre à Londres! Ce type, avec une bedaine, alors que tu as toujours déclaré détester les hommes avec un ventre! Ce type a voulu détruire mon bonheur et ma vie. (Je m'emporte, je sais que tu ne serais jamais partie avec lui, tu es trop intelligente pour ça, mais si cela ne tenait qu'à moi, je foutrais ce tableau à la poubelle! Tu décides.)
Comment ai-je pu avoir comme ami ce gars dont le loisir est de courir les femmes!? Tu sais pourtant tout cela puisqu’il te faisait ses confidences. Et je le savais aussi! Oui, dans notre faiblesse pour le luxe matériel dont il jouissait et "notre grande bonté", nous l'aidions à devenir un homme sage. Mais ce qui me déchire encore aujourd'hui, c'est qu'au pire de cette crise qui nous a secoués, tu le considérais encore comme notre ami!
Quand on lâche une bombe, des milliards et des milliards d’atomes sont pulvérisés d’un seul coup. Nous n’allons tout de même pas nous morfondre le reste de nos jours pour des produits chimiques! Autant en emporte le vent et des milliards d’êtres viennent au monde à chaque instant et des millions meurent à tout instant.
Mais avec une épine, on en retire une autre. Toi seul peux m’aider à traverser cette épreuve. Et si tu veux, on peut faire encore mieux. Nous sommes si jeunes et notre avenir nous appartient. Ne le gâchons pas. Et puis, je n’ai pas le choix. Sans toi, je ne vois pas ce que je deviendrais. C'est là le nœud gordien. Donne-moi ma chance; donne-moi du temps encore. Ma vie tient à un fil. Cependant, je suis persuadé qu’on y arrivera. Pardonne-moi pour n’avoir pas su interpréter tes signaux de détresse. Pardonne-moi pour t’avoir poussée dans ses bras. Je l’ai fait par ignorance. Je suis allé trop loin. Je t’aime follement !
Gilbert